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21 octobre 2005

l'empire de l'argent article du monde

Délivrez-nous de l'argent par Alain Faujas


L'empire de l'argent, d'André Gauron (Desclée de Brouwer, 182 p., 20 €).

Voilà un livre qui souffle le chaud et le froid. Mais comment l'éviter avec ce phénomène protéiforme qu'est la monnaie ?

Ancien membre du Conseil d'analyse économique auprès du premier ministre, l'auteur débute par un constat apocalyptique sur la "marchandisation" de la planète. Le règne du consommateur a mis celle-ci en coupe réglée : les activités humaines ont été matérialisées, la nature a été monétarisée, l'inégalité est devenue la règle, les sociétés en sont déstructurées.

Elites pourries, Etats évanouis, patrimoines génétique ou culturel en voie d'appropriation privée : "Une telle société où la marchandise règne sans partage est proprement inhumaine". Ce constat ne surprendra pas les militants antimondialisation, même si l'auteur prend le soin de se démarquer de leurs analyses un peu trop simples.

La partie froide de l'ouvrage est moins "vendeuse" mais autrement intéressante. Elle montre, avec une certaine nostalgie, comment le fordisme et le keynésianisme nés dans les années 1930 ont su "limiter les oscillations de la croissance autour du chemin d'équilibre", grâce au couplage de la productivité, de la demande et des salaires. Cette sagesse a été oubliée avec l'abandon du régime des changes fixes confirmé en 1976 par les accords de la Jamaïque et par "la transformation du dollar de monnaie étalon en monnaie mondiale privée".

C'était la porte ouverte à toutes les frénésies, à toutes les volatilités, à toutes les avidités. Le spéculateur a pris le pas sur l'entrepreneur, le court terme sur le long terme, car la Bourse et ses actions l'ont emporté sur les banques et l'emprunt. L'économie est devenue un "casino", selon le mot de Keynes, et pas du tout un marché rationnel, selon Walras.

André Gauron n'est pas moins convaincant quand il convoque Zola et Bataille, Monet et Gide, pour tenter d'analyser comment s'installe la tyrannie de l'argent. Le "désir d'argent" est d'abord exacerbé par le triomphe de la liberté et de l'individu dans le monde contemporain ; selon Bataille, le spéculateur est "seul le véritable individu". Mais ce désir a aussi un côté faustien, car il est "désir mythique de changer le plomb en or, de transformer le vil - l'excrément de Freud - en pièces d'or, l'activité humaine en mesure monétaire ; il est quête d'infini, peut-être d'immortalité".

On ne remédie pas à cette complexité par des solutions simples, d'autant qu'il faut "faire avec" ce maudit argent parce qu'il n'est pas prêt de disparaître, contrairement à ce que le communisme prétendait dans sa fatuité. Un surcroît de démocratie ne suffira pas, et la gouvernance est un leurre, estime l'auteur.

Alors, André Gauron, que l'on sent tenté par un appel à la frugalité, délivre son ordonnance pour réconcilier l'égalité et la liberté : réhabiliter la politique afin qu'elle impose des bornes aux marchés et aux spéculateurs, renouer avec le combat social du XIXe siècle qui avait humanisé la société industrielle, développer une Internationale citoyenne capable de contrebalancer les forces obscures de la finance et se fonder sur l'éducation pour "faire prendre conscience de la supériorité du lien social". Une bonne contribution au sommet de Porto Alegre.

par Alain Faujas

APPEL À LA FRUGALITÉ

• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 28.01.03

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